27/09/2023, pour l'ASBL Enseignons.be par Raquel Gemis, Professeure de français et de FLE au DI et au DS; Formatrice à la classe autonome.
La grande majorité des professeur·es de français sont confronté·es au même problème : beaucoup d’élèves ne veulent pas lire. « Plus rien ne les intéresse », « Ils ne lisent plus » , « Les ados préfèrent jouer à des jeux vidéo », « Avant, on lisait beaucoup plus »… sont quelques phrases que j’ai pu entendre en salle des professeur·es ou lire sur les réseaux sociaux.
Nous sommes pourtant très inquiets et inquiètes de ce phénomène. Certain·es d’entre nous passent leur été à lire les dernières sorties littéraires jeunesses à la recherche de la perle rare (bien écrite, de préférence en français, à la thématique actuelle et pas chère) et à composer des questionnaires de lecture que nous espérons efficaces. Mais force est de constater que cette pratique porte très peu ses fruits. Car quel est notre objectif ? Les forcer à lire ? Ou leur donner l’envie de lire ?
Avant toute chose, il me semble important d’interroger cette affirmation qui anime notre découragement : les enfants et les adolescent·es lisent beaucoup moins qu’avant. Transformons-la donc en question : les enfants et les adolescent·es lisent réellement moins qu’avant ? Et si oui, pourquoi ? Pouvons-nous agir sur ce phénomène ?
Ces questions étant la préoccupation de nombreux scientifiques, on trouve facilement quelques réponses que voici.
Selon une étude menée par le Centre National du Livre en 2016, les enfants et les jeunes liraient effectivement de moins en moins. Cependant, ils liraient encore en moyenne trois heures par semaine, tous âges confondus. Ces heures seraient consacrées majoritairement à la lecture de romans et de bandes dessinées. Les lectures ? Celles imposées par l’école : le plus souvent des romans, mais aussi des lectures plaisir. Ce qui amènerait en moyenne à quatre livres par trimestre. La lecture rituelle d’avant le coucher serait par ailleurs l’activité principale de nos jeunes avant la télévision. (1)
Tout cela semble assez positif… mais reste à nuancer car, en effet, les jeunes lisent de moins en moins en raison de différents facteurs dont le principal est la possession d’un écran personnel: un ordinateur, une tablette, un smartphone. Une autre étude, menée par le National Literacy en Grande Bretagne pointe du doigt plus particulièrement les sms : en effet, le temps consacré aux échanges de sms avec les copains viendrait empiéter sur le temps de lecture. Il faut ajouter à cela l’attrait des séries télévisées et… la honte d’être vu par ses camarades en train de lire… (2)
Enfin, les études montrent que les filles lisent plus que les garçons… Pourquoi ? La réponse est assez logique et assez simple : le monde du livre appartient aux femmes ! En effet, qui lit les histoires du soir ? Maman. Qui apprend à lire ? Mon institutrice. Qui est la bibliothécaire ? Madame. Qui lit le soir ? Maman. (3)
Bien sûr, l’image est un peu caricaturale, mais pas tant. À l’adolescence, en quête d’identité, le jeune garçon, de façon inconsciente, attribuera la lecture au féminin et préfèrera s’en écarter pour des activités dites plus « masculines » comme les jeux vidéo.
Ces études mettent donc à l’avant certains facteurs externes qui contribueraient à diminuer le temps de lecture de nos jeunes enfants et adolescent·es. Cependant, il ne faut pas négliger les facteurs éducationnels : un enfant qui aura été dès son plus jeune âge en contact avec les livres, qui aura vu ses parents lire et qui aura une bibliothèque chez lui, développera plus surement un amour pour les livres que celui ou celle qui aura dû attendre sa scolarisation pour découvrir le monde de la lecture.
En tant qu’enseignant·es, nous n’avons aucune prise sur ces facteurs sociaux et éducationnels mais ce n’est pas pour autant que nous ne pouvons pas influencer ce gout pour la lecture. Voici donc quelques petits conseils et quelques ressources pour amener enfants et adolescent·es à lire.
Commencez l’année par un échange autour de la lecture. Demandez aux élèves s’ils aiment lire. Si oui, les genres qui les attirent, si non, ce qu’ils n’aiment pas dans la lecture.
On trouve rapidement sur internet des articles à la portée des enfants et des adolescent·es qui peuvent les amener à échanger et réfléchir. Vous pouvez par exemple partir d’un article qui présenterait 10 bienfaits de la lecture et leur demander de réaliser un sketchnote qui résumerait ces bienfaits. Cet échange ne doit pas rester sans traces et plus les élèves se seront investis dans cette trace, plus elle sera marquante pour eux.
Dans son livre “Comme un roman” Daniel Pennac énonce les droits imprescriptibles du lecteur, qui sont aussi une belle porte d’entrée vers une réflexion très intéressante autour de la lecture.
Vu sur : https://lireetfairelire44.com/2018/06/27/les-droits-imprescriptibles-du-lecteur/
Face à des adolescent·es réfractaires à la lecture, donnez du choix. Vous pouvez cadrer ce choix en suggérant une série de lectures autour d’une même thématique, une même structure, un même courant. Cette façon de procéder donne aux élèves un sentiment de liberté qui les rend beaucoup moins réfractaires à la lecture. Montrez-leur les livres en question : permettez-leur de se laisser attirer par la couverture, de les feuilleter, d’en lire les premières pages. C’est une façon beaucoup plus agréable pour eux d’appréhender leur prochaine lecture que de simplement écrire un titre et un auteur au tableau.
Laissez-les vous dire ce qu’ils aiment lire et partager leurs passions : manga, bd, albums, roman, nouvelles… Une façon visuellement très sympathique de les impliquer est la réalisation d’un Bookflix dans lequel une section leur appartiendrait.
Vu sur instagram : mesperegrinationspedagogiques
Il y a tellement de façons d’évaluer la lecture, des façons plus créatives qui rendront les élèves fier·es de leur travail et susciteront leur envie de lire. En plus de celles partagées par des collègues via la plateforme de l’asbl Enseignons.be, en voici quelques unes :
Et si résumer une lecture pouvait se faire avec de petits objets récoltés au cours de la lecture et soigneusement déposés dans une boite ? Une mystérieuse boite dont seul·e le lecteur ou la lectrice et ses camarades de lecture comprendraient le sens... Popularisé en France par La Bande à Baudelaire, le concept de boite à lire vient des États-Unis et porte le nom de A Book in a box.
→ Préparation disponible sur Enseignons.be !
Vu sur instagram : mesperegrinationspedagogiques
Si vous avez déjà abordé le sketchnote ou que vous désirez leur apprendre cette technique, la lecture en est une bonne occasion. Certaines ASBL proposent des cours à donner en classe : une bulle d’air créative pour les élèves et encore une autre façon d’aborder la lecture. Vous trouverez facilement des exemples sur internet.
Vous pouvez organiser un speed booking sur le principe du speed dating. C’est une activité particulièrement amusante quand les élèves ont pu choisir librement leur lecture et que toutes et tous ont lu un livre différent. À nouveau, l’activité est à cadrer, à préparer en amont en fonction de vos attentes. Vous pouvez rendre l’activité très conviviale en aménageant votre classe et en amenant chips et jus. Chaque élève disposera d’une minute trente pour présenter à son condisciple le livre qu’il a lu et lui donner envie de le lire. En fin de cours, chaque élève écrit sur un papier le livre qu’il a envie de lire et le nom de l’élève qui le lui a présenté. On peut clôturer cette heure de cours par un podium des trois livres les plus plébiscités.
Une activité gourmande autour de petites pâtisseries amenées par les élèves, un échange autour d’un même livre où chacun·e lirait un passage qu’il ou elle a particulièrement aimé et expliquerait en quoi il ou elle a apprécié le livre. Cette activité fonctionne également si vous avez donné un choix de lecture. Et elle peut se décliner avec des poèmes, des œuvres d’art, des films… mais là on sort du cadre de la lecture.
→ Une ressource est disponible sur Enseignons.be ;-)
À nouveau, l’élève passe par le bricolage pour présenter son livre et les consignes varieront en fonction de votre public et de vos attentes. Chaque partie de la boite sera consacrée à une consigne : résumé du livre, jugement de gout, justification d’appartenance à un courant, présentation des personnages principaux, schéma actantiel, schéma narratif…
Vu chez La Bande à Baudelaire.
Vu chez Mes pérégrinations pédagogiques
Vous pouvez organiser avec vos élèves une exposition littéraire. À nouveau, en partant de choix de lecture. Par groupe ou de façon individuelle si tous ont lu un livre différent, les élèves présentent leur livre sur un panneau qui peut être exposé dans la classe ou dans l’école. Les consignes dépendront à nouveau de vos attentes.
→ Une prépa est dispo sur Enseignons.be
Née dans les cercles ouvriers de la fin du XIXe siècle, cette technique consiste à diviser le livre en nombre de lecteurs ou lectrices. Elle permet de désacraliser le livre et de mener une lecture rapide et efficace. Vous trouverez des exemples et explications précises sur internet !
Vu chez Madame Bertho
Et si le livre lu était porté à l’écran sous forme de série ? Demandez à vos élèves d’imaginer le scénario de chaque épisode ou une affiche pour illustrer chaque chapitre.
Sur le principe du bullet journal, les élèves consignent leurs impressions, ressentis, mots de vocabulaire, questionnements… de façon créative. Ils peuvent aussi le concevoir à partir d’un questionnaire et d’activités proposées par le professeur.
Vu chez Mes pérégrinations pédagogiques
→ BuJo sur le roman “Alma, le vent se lève” sur Enseignons.be
→ BuJo sur le roman “Pax et le petit soldat” sur Enseignons.be
→ BuJo sur le roman “La rivière à l’envers” sur Enseignons.be
→ BuJo sur le romant “Coeur de loup” sur Enseignons.be
Ce ne sont vraiment pas les idées qui manquent ! Et vous en avez certainement plein d’autres à partager sur Enseignons.be !
Raquel GEMIS
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