C’est dans le courant des années 60 que le terme de burn-out apparaît dans le champ professionnel pour la première fois. Et puisqu’il n’y a pas de hasard, les premières études qui le concernent s’intéressent à des bénévoles puis des professionnels de la relation d’aide (Freudenberger, 1974 ; Maslach, 1976). Plus récemment, et pour le sujet qui nous occupe plus particulièrement, plusieurs études Européennes estiment qu’une partie de la population enseignante présente un risque d’épuisement professionnel : Doudin, Curchod-Ruedi et Baumberger en Suisse (2009), Albanese et Fiorilli en Italie (2009) par exemple.
Mais que signifie vraiment être en burn-out ? Quels en sont les symptômes ? Comment le prévenir et en sortir ?
Etre en burn-out fait référence à la métaphore d’une bougie qui s’est complètement consumée. Une personne en burn-out risque de s’éteindre après avoir brûlé un certain temps. Cette temporalité est très importante à retenir car un épuisement n’arrive pas du jour au lendemain. Même s’il peut parfois donner l’impression que son expression arrive subitement (« je ne sais plus me lever », « cette fois je n’y arriverai pas »), le burn-out est un processus qui s’exprime sur un continuum. Malheureusement, beaucoup des professionnels concernés n’ont pas entendu (ou pas écouté) les premiers signaux d’alerte. Bercés par leurs idéaux professionnels, leur conscience professionnelle, leurs croyances et leurs valeurs (solidarité entre collègues par exemple ou notion d’engagement), ils tiennent en espérant des jours meilleurs, attendent le mois suivant que « ce projet soit terminé » ou que les vacances arrivent enfin. Pourtant, s'il n’est pas pris en charge, l’épuisement risque de grandir…ou de revenir. Il n’est pas rare en effet que je sois consultée pour des « rechutes ». Lorsque mes patients abordent leur « premier burn-out » surmonté il y a quelques années, je ne manque pas de demander comment il a été accompagné. La plupart du temps, il s’agit d’un épuisement qui a été peu traité. La personne a regagné en motivation, s’est parfois un peu reposée mais n’a pas considéré l’entièreté de ce qui l’a amenée à entrer dans le processus. Qu’il s’agisse d’un premier burn-out, d’un deuxième ou d’un troisième, il est essentiel de comprendre son fonctionnement pour espérer laisser derrière soi ce qui entraîne ou a entraîné de la souffrance au travail.
Comment savoir si je suis en burn-out ?
Il y a plusieurs réponses à cette question. De manière scientifique, plusieurs outils sont à présent reconnus pour le mesurer au travers d’un questionnaire. Certains l’ont même adapté spécifiquement à la profession des enseignants.
D’une autre manière, et sans poser « l’étiquette » il est intéressant de savoir pourquoi vous commencez à vous poser la question. Comme cité précédemment, le burn-out est un processus. Peut-être n’êtes-vous effectivement pas en burn-out tel qu’il est évalué par les tests mais vos symptômes influencent-ils considérablement votre vie ? Peut-être vous interrogez-vous alors que votre surinvestissement professionnel est très important mais que votre inconscient verbalise clairement le danger à continuer sur cette voie. Peut-être commencez-vous à sentir votre frustration sans en identifier clairement la cause ni les conséquences possibles. Peut-être encore est-ce un état de fatigue cognitif (oublis, difficultés de concentration), émotionnel ou physique qui vous met la puce à l’oreille. Peu importe ce qui vous inquiète, l’essentiel est d’écouter vos craintes en vous posant, en vous renseignant, soit pour les éloigner, soit pour écourter votre mal-être en le prenant en charge.
Pourquoi insister sur cette prise en charge ? Voir arriver toutes ces personnes en consultation, des personnes brillantes qui se sont éteintes, des personnes motivées qui sont désillusionnées, des personnes énergiques qui se sentent si faibles, me pousse à transmettre ce message de l’importance de considérer son épuisement à sa juste valeur.
Parce qu’il peut prendre plusieurs formes, du burn-out si connu (suite à un surinvestissement) au bore-out (ennui), au brown-out (perte de sens) et maintenant au blurring (flou entre vie privée et vie professionnelle), il peut entraîner des symptômes variés mais tous plus destructeurs les uns que les autres au fur et à mesure de leur avancée. Oser les écouter c’est sortir d’un déni habituellement rencontré dans ce type de problématique, c’est faire preuve de courage pour faire enfin le pas vers soi mais aussi vers les autres car les études amènent l’idée selon laquelle un enseignant épuisé peut devenir un facteur de risque pour l’élève.
Comment sortir du processus ?
Le burn-out est un modèle tridimensionnel. Il se traduit par trois étapes débutant par un épuisement émotionnel, se poursuivant dans un certain délai par un sentiment de déshumanisation dans les relations et se terminant par une baisse du sentiment d’accomplissement professionnel. Si on repère souvent ce que pourrait être un épuisement émotionnel, on oublie plus régulièrement les conséquences de l’étape suivante : la déshumanisation. Elle se profile au travers d’une certaine froideur ou d’une distance émotionnelle. Ne plus considérer ses élèves comme tels mais prendre tellement de distance qu’ils ne sont plus que des prénoms, des places sur les bureaux ou des numéros, ne plus être touchés par eux mais vivre sa profession de manière presque automatique sont autant d’exemples de la barrière protectrice que met l’enseignant pour éviter une grande souffrance psychologique, mais pour mettre à distance également « certaines exigences propres à sa profession » (Truchot, 2004). La perte du sentiment de compétence et d’accomplissement professionnel n’est que la suite logique du parcours déjà entamé et elle pousse malheureusement certains enseignants passionnés à abandonner l’idée même de leur vocation.
Dans ces trois étapes, la première, celle de l’épuisement émotionnel semble être la dimension centrale influençant plus fortement les deux autres. C’est pourquoi elle constitue la priorité du travail. Elle peut être travaillée en séances individuelles ou en groupes. Parce que même s’il peut paraître difficile d’aborder des difficultés personnelles devant d’autres personnes, il a été prouvé à de nombreuses reprises que le concept de pair-aidance, c’est-à-dire être accompagné par des personnes traversant ou ayant traversé les mêmes expériences/épreuves est considérablement aidant.
De même, certains auteurs mettent l’accent sur le soutien social comme un indicateur plus favorable concernant les dimensions de déshumanisation et de sentiment d’accomplissement.
Pour Enseignons.be - Elsa Guillier, Psychologue