Les mots de Bruno: Le qualifiant: une clé en plus!

Par Bruno HUMBEECK*  

             Une compétence acquise, c’est quelque chose que l’on ne vous enlèvera jamais. C’est pour cela que je préfère, pour ma part, imaginer des trajectoires d’acquisition de compétences qui s’évertuent à qualifier ceux qui en acquièrent progressivement la maîtrise plutôt que de préfigurer des trajectoires diplomantes qui s’acharnent parfois à disqualifier ceux qui n’accomplissent pas la totalité de la route et restent coincés en chemin.

                Tout cela revêt d’autant plus d’importance que, pour la première fois dans l’histoire de l’évolution de nos sociétés, un enfant à qui l’on demande : “Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?” ne peut naturellement pas répondre à cette question dans la mesure où plus de 80% des métiers qui existeront dans dix ans ne sont pas encore définis actuellement!

                Se doter de compétences multiples, variées et compatibles les unes avec les autres apparait dés lors sans doute mieux en phase avec l’évolution du monde social et de l’environnement tel qu’il se constitue pour nos enfants, que l’idée de façonner leur instruction scolaire en vue d’un diplôme strictement associé à une fonction précise qui, probablement, n’existera plus ou continuera à exister mais sous une forme tout à fait différente.

                Il faut véritablement que le Qualifiant ne soit plus envisagé comme un choix par défaut. Et il faut nécessairement, pour que cela s’arrête, que l’on cesse de présenter notre système d’enseignement en donnant aux filières scolaires la forme d’un escalier que l’on dégringole en passant du Général au Technique puis du Technique au Professionnel comme s’il n’était question là que de gérer une succession d’échecs en le transformant en quelque chose qui ressemble à une chute continue.

               Le Qualifiant doit être envisagé comme une option que l’on se donne l'opportunité de choisir parce qu'il présente la forme d’apprentissage dans laquelle on se sent plus à l’aise ; il doit être considéré comme une orientation que l’on réalise par choix parce que les compétences qu’elle permettra de maitriser correspondent à celles qui paraissent le plus utiles en fonction de l’activité dans laquelle on entend se réaliser.

               Le terme “qualifier” signifie, depuis le XVIIème siècle, l’action de caractériser quelqu’un par l’attribution d’un ensemble de qualités qu’on associe à sa personne. Le mot "qualifiant" qui en est heureusement dérivé est utilisé depuis 1983 pour désigner un travail ou un apprentissage par lequel on se donne des compétences professionnelles... Il s’agit donc là, fondamentalement, comme l’étymologie le suggère, d’un enseignement qui attribue des qualités susceptibles d’être converties en compétences utiles à l’exercice d’une activité professionnelle.

                Pour ma part, j’aime beaucoup l’idée d’une école qui, au-delà d’un tronc commun qui rassemblerait, lui, les aptitudes humaines fondamentales pour lire, compter et apprendre à vivre les uns avec les autres, n’éprouverait que le souci de donner des qualités en distribuant des compétences et renoncerait ainsi fondamentalement à l’obligation qu’elle se donne parfois de disqualifier ceux qu’elle juge trop faibles en pointant du doigt toutes leurs incompétences.

                Pour ma part, j’aime beaucoup le visage que présenterait cette école qui vise à améliorer la “capabilté” de chaque élève en lui permettant de s’ouvrir sans fin le champ des possibles parce qu’il sait qu’il apprendra toute sa vie dès lors qu’un parcours d’acquisition de compétences, contrairement à une trajectoire diplômante, prend la forme d’un chemin qui lui permet d’avancer toujours plus loin parce que ce chemin, en réalité, il n’indique pas véritablement de fin et qu'il peut bien, dés lors, se poursuivre tout au long d'une vie. C'est le principe de la formation continue et c'est sans doute l'enseignement qualifiant qui y prépare le mieux pour autant qu’on ne le considère pas comme un enseignement de second rang et qu’on ne le présente plus comme l'aboutissement d'une filière de relégation...




* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. 



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