Par Bruno HUMBEECK*
“On a souvent envie d’aider les gens mais parfois on ne sait pas comment faire.” Cette phrase d’enseignante extraite du film “Un monde” de Laura Wandel, je l’ai énormément entendue en fréquentant quotidiennement les écoles pour évoquer avec les professionnels qui y sont actifs, les problématiques du harcèlement et du cyber-harcèlement.
À cet endroit, j’ai souvent regretté de ne pas pouvoir communiquer aux parents l’image que me donnent ces professionnels de l’enseignement chaque fois que sur les temps de midi lors de séances de formation ou en soirée pour assister à des conférences, ils sont là, en dehors de leurs heures de travail rémunérées, en rognant sur leur temps de repos, sur leur congé ou sur leur temps de récupération à midi, pour s’informer, se donner les moyens de comprendre les mécanismes qui provoquent le harcèlement et le cyber-harcèlement et surtout chercher à s’approprier des outils en se dotant de techniques qui leur permettent d’intervenir avec l’assurance de ne pas faire “pire que mieux” chaque fois qu’il est question d’agir pour faire cesser la situation porteuse de désastre.
Dans leur écrasante majorité, les enseignants demandent que leur école soit équipée et qu’ils puissent, eux, enseignants, éducateurs et directeurs d’écoles, disposer de techniques qui leur permettent de réagir efficacement pour prévenir, contrôler les effets négatifs et mettre fin aux situations de harcèlement scolaire ou de souffrance émotionnelle intense de leurs élèves.
Plus de 90% des plans de pilotage transmis dans le cadre du Pacte d’excellence soulignent le besoin, la nécessité et l’envie de travailler pour améliorer le climat de classe et plus généralement, le climat de l’école. Sur base s’une enquête menée auprès des écoles, il ressort que 98% des établissements scolaires ont comme objectif prioritaire l’amélioration du climat scolaire, c’est-à-dire notamment la question du harcèlement et du cyber-harcèlement.
Face à ce constat, il apparait urgent de mettre à la disposition des professionnels de l’éducation et de l’enseignement des techniques qui permettent d’augmenter leur sentiment de compétence face à la problématique. En effet, faute de cela, il n’est pas question d’imaginer pouvoir les mettre en situation d’agir ou de réagir tout simplement parce que “la peur de mal faire” ou “d’agir de façon inappropriée” ne les aura pas mis au préalable en situation d’oser agir.
C’est pour cela qu’il faut évidemment mettre dans chaque école un dispositif qui améliore la cohérence pédagogique des équipes, favorise leur cohésion et donne le sentiment que tout le monde, pour s’opposer au fléau de la violence entre pairs au sein des classes et sur les réseaux sociaux, avance dans le même sens. Or, ces trois éléments, dans un dispositif pédagogique efficace, sont en interaction continue : la cohérence pédagogique améliore la cohésion de l’équipe qui en retour influence favorablement la cohérence pédagogique. Le tout évidemment se réalise d’autant mieux si la direction, en s’impliquant dans le projet, donne un sens à l’action collective.
Par ailleurs, il apparait essentiel, notamment pour ce qui relève du cyber-harcèlement, de tenir compte du fait qu’il s’agit d’une violence fondamentalement invisible. Il n’est donc pas question de demander aux enseignants de faire preuve de vigilance pour tenter de voir ce qui, par nature, se caractérise par son invisibilité.
Il vaut sans doute beaucoup mieux de ce point de vue, plutôt que de contraindre les enseignants à “voir l’invisible” en repérant éventuellement les microsignaux qu’ils laissent échapper, mettre à disposition des élèves non seulement des lieux d’expression réel au sein desquels ils pourront s’exprimer pour révéler les souffrances subies dans un contexte qui libère la parole et garantit dans le même temps que celle-ci sera protégée mais aussi, sur les espaces virtuels, à partir des écrans, de mettre à leur disposition un matériel qui leur permettra de déclencher des alertes et de réaliser des appels à l’aide dés qu’ils sont témoins ou victimes de ce qu’ils vivent comme une agression numérique.
* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons.