Par Bruno HUMBEECK*
Les parents ont parfois tendance à accorder une importance excessive à la note scolaire. Avoir une « bonne note », ramener des « bons points » ou rapporter un « beau bulletin » semblent constituer les principales attentes de ceux qui en viendraient vite à considérer les résultats des examens comme de véritables fiches de salaire.
L’enfant, face à ce constat, aura alors vite fait d'imaginer qu’il doit aller à l’école, par obligation, pour obtenir des points comme on se rendrait à son travail, par nécessité, pour être rémunéré. L’idée de se retrouver en classe pour apprendre avec les autres, découvrir le monde avec eux et répondre à son besoin de curiosité qui était pleinement le sien quand il allait à l’école maternelle risque ainsi de céder le pas à la conviction qu’il doit s’y rendre pour « bien travailler » et réaliser des performances que la note scolaire viendra traduire en la convertissant en quelque chose qui ressemble à un salaire.
Si le salaire reçu correspond aux aspirations de ses parents, tout va bien. Les points de l’enfant sont aussitôt métamorphosés en indices qui laissent penser que plus tard, il « gagnera bien sa vie » parce que sa réussite à l’école lui aura permis d’exercer une fonction bien payée. Ils en conçoivent une fierté légitime et, parfois, vont jusqu'à exhiber le bulletin sur les réseaux sociaux dans le but sans doute, un peu, de partager leur joie et, probablement davantage encore, de susciter de l’envie.
Si le salaire est décevant, alors, par contre, tout s’effondre. La panique se généralise. On imagine déjà un avenir pourri, un futur de misère et un sombre horizon et l’inquiétude, en se généralisant, finit par gangréner toute la relation et saccager parfois lourdement l’estime dans laquelle l’enfant ou l’adolescent se porte. Le mauvais bulletin devient, aux yeux de l’enfant, le signe qu’il est, au regard de ses parents, complètement nul parce qu’il serait à la fois bon à rien et mauvais en tout.
Un bulletin ce n’est pourtant rien d’autre qu’un bilan d’évolution scolaire utile pour procéder aux re-médiations adaptées en révélant, parmi les connaissances prévues dans le programme, celles qui sont maitrisées, celles qui sont en voie d’acquisition et celles qui doivent être ré-expliquées. Cela n’a rien à voir avec un quelconque certificat d’aptitudes ou une sorte d’attestation de qualité intellectuelle qui aurait la valeur d’un passe-partout pour s’ouvrir les clés de la réussite dans la vie.
"Tes examens reflètent l’état de tes connaissances mais ne disent pas grand chose de tes compétences et, en tout cas, rien de celles qui n’ont pas fait l’objet de l’évaluation. Tu joues super bien de la musique, au football ou au basket, tu es un magnifique danseur, une superbe chanteuse, un dessinateur génial, un artiste créatif, tes sujets de conversation montrent que tu es capable de passion, tes centres d’intérêt te grandissent, ta sensibilité me touche mais... tu ne maitrises pas encore parfaitement le passage à la dizaine et on va se donner les moyens de prendre le temps, ensemble, pour que tu y parviennes... Voilà tout ce que cherche à dire en somme un bulletin scolaire... et absolument rien d’autre... Il ne me parle que de tes matières et de la façon dont tu les maitrises plus ou moins mais ne me dit vraiment rien ou pas grand chose de toi... "
C'est comme cela qu'un parent devrait lire un bulletin en y prêtant évidemment toute son attention mais sans en faire tout un plat parce que les notes ne doivent pas être lues comme les chiffres d'un salaire qui reflèterait le mérite, la valeur ou le prestige de celui qui le reçoit mais comme un état des lieux des connaissances qui permet d'ajuster le soutien que l'on peut donner à l'enfant pour qu'il puisse poursuive, à son rythme et sans dommage pour l'estime dans laquelle il se porte, son parcours d'apprentissage scolaire...
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Quelques conseils aux parents pour mieux "lire" un bulletin :
- Apprendre à lire le bulletin comme un « bilan de connaissance » pas comme un certificat d’aptitude ou un baromètre de l'intelligence.
- Eviter d’utiliser le bulletin comme un prétexte pour émettre des jugements par rapport à l’enfant (ou l’adolescent) et ses caractéristiques personnelles.
- Utiliser le bulletin et les évaluations dont il rend compte pour aider l’enfant à discriminer ce qu’il connait, ce qui demeure flottant dans le patrimoine de ses connaissances (pour lequel il faudra encore s’exercer) et ce qui n’est pas connu, pas compris ou insuffisamment (sur quoi il faudra revenir en donnant d’autres explications).
- Faire en sorte que l’enfant comprenne ses erreurs et ne les vive pas comme des fautes qu’il ne pourrait plus s’autoriser à commettre ou des insuffisances qu’il n’aurait plus le droit de manifester
- Faire de l’évaluation un moment d’apprentissage délesté de stress qui ne doit en aucun cas saper l’estime de soi de l’enfant et parasiter son plaisir d’apprendre, son envie de connaître et son désir de découvrir."
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Pour aller plus loin, vous pouvez écouter l'interview de Bruno Humbeeck sur Auvio.
* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons.