Par Raquel GEMIS, Professeure de français au DS.
La majorité des enseignant•es que nous sommes a connu un système d’enseignement proche de ce qui se pratiquait au Moyen Âge : l’enseignant•e enseignait, nous écoutions religieusement (dans le meilleur des cas !), réalisions quelques exercices, le plus souvent individuels, présentions nos évaluations et passions à une autre matière. Une façon frontale donc d’aborder les apprentissages : l’enseignant.e sait et diffuse son savoir ; l’élève tel un réceptacle, reçoit ce que l’enseignant.e a à lui donner.
Nous constatons souvent que cette façon d’aborder nos élèves ne fonctionne pas. Entre celui qui écoute sa musique en cachette, celle qui envoie des sms à sa copine du fond de la classe, ceux qui s’endorment près du radiateur… nous nous sentons souvent fort démuni•es, découragé•es et frustré•es (parce que bien sûr, nous le savons, notre matière est passionnante !) Et si nous repensions nos pratiques ?
Rien de neuf : de Rabelais à Montessori en passant par Rousseau, nombreux sont les pédagogues qui ont prôné un enseignement moins livresque et plus actif. Il serait faux de dire qu’un enseignement magistral ne fonctionne jamais, cependant, force est de constater qu’il ne convient pas à tou.tes et qu’il entame chez beaucoup le plaisir et l’envie d’apprendre. D’aucuns diront qu’il n’y a pas de place pour le plaisir dans l’apprentissage et qu’il faut apprendre à se confronter à la difficulté. « Baste! Laissons là ce chapitre, il suffit… » de se pencher sur les neurosciences pour trouver quelques réponses assez simples à la question des apprentissages.
Dans son ouvrage "L’école du cerveau", Olivier Houdé [1] consacre une quinzaine de pages à l’engagement actif de l’élève [2]. Il y explique comment les études montrent qu’un enfant engagé dans ses apprentissages, qui touche, tâtonne, construit, réussira mieux ses évaluations que celui qui aura été soumis à un enseignement magistral. De plus, le défi personnel serait un moteur désinhibant les automatismes qui l’induiraient en erreur dans d’autres situations.
Les études montrent également que ses activités mises à disposition doivent être ni trop faciles – l’erreur étant également un moteur d’apprentissage – ni trop difficiles – trop d’erreurs entrainant un découragement et une perte de curiosité. L’élève doit donc se sentir capable de réaliser l’activité.[3]
Enfin, ces activités ne devraient pas nécessairement faire l’objet de récompenses par des points [4]: un sourire, une parole encourageante [5] seront largement suffisant•es et éveilleront chez l’élève son désir d’apprendre et sa curiosité.
Ajoutons à ces constats l’importance de la mobilisation des cinq sens. Il ne s’agit pas ici de parler du concept des différents types de mémoires (remis en cause), mais bien de souligner l’importance d’amener chaque élève à mobiliser un maximum de ses sens lors de ses apprentissages. S’il nous parait évident que nous ferons écouter Mozart lorsque nous verrons la musique classique, nous serons moins enclins à organiser une auberge espagnole pour développer le vocabulaire du gout. Pourtant, si les puéricultrices organisent des parcours sensoriels pour les bébés dont elles se chargent, c’est que l’importance de cet apprentissage sensoriel a bel et bien été démontré. S’il est vrai que l’enfant en grandissant constitue une base d’expériences lui permettant d’apprendre autrement que par la mobilisation de ses sens, cette dernière reste un outil essentiel d’apprentissage. « Notre mémoire est un concert de sensations » ! [6] Alors, pourquoi cesser en primaire et en secondaire ?
a. Amener les élèves à compléter une fiche outil après avoir manipulé des cartes. Ici, un jeu qui consiste à associer chaque exemple de figure de style publicitaire à sa définition. Les élèves complèteront ensuite leur fiche outil en coupant et collant les publicités au bon endroit. Vu sur : mesperregrinationspedagogiques
b. Comprendre le sens d’un poème en le reconstruisant grâce aux structures vues au cours : voici un exemple de cartes à replacer dans l’ordre pour reconstituer Demain dès l’aube de Victor Hugo. La correction se fait par l’écoute du poème mis en musique, ainsi trois sens sont mobilisés : la vue, le toucher, l’ouïe. Vu sur : mesperegrinationspedagogiques
c. Revoir son vocabulaire en associant le mot à son image : Vu sur : monpetitbazardeprof
a. Ouvrez les fenêtres pour faire entrer personnages mythologiques, auteurs, compositeurs, grands personnages historiques. Cette activité adaptable dans de nombreux cours permettra à vos élèves de revoir de façon agréable les grands noms de notre patrimoine culturel. Une fiche outil à construire, pourquoi pas, sur base de documents ou de capsules vidéo racontant la vie de ces personnages. Vu sur La légèreté des lettres
b. Et si notre grammaire était une ville ? L’image parle d’elle-même ! Vu sur La bande à Baudelaire
c. Une carte mentale à construire sur base d’une écoute : Vu sur : mesperegrinationspedagogiques
a. Son vocabulaire : Vu sur La légèreté des lettres
b. Ses classes grammaticales : Vu sur : laboi.tedepandore
c. Découvrir les sons : Vu sur Enseignons.be
4. Une roue pour résumer la situation d'énonciation : Vu sur : laboi.tedepandore
5. Des lapbooks pour revoir les types de textes : Vu sur : mesperegrinationspedagogiques
a. Observation et détermination des insectes à la loupe binoculaire
b. Planches effaçables pour appréhender la morphologie des insectes
c. Falshcards pour l’identification des adventices
d. Cartes à positionner pour appréhender les stades du développement et du cycle de vie des insectes
Vu sur : La classe autonome (by Juline Anquetin Rault). Ateliers réalisés par Pauline Minon, enseignante en biologie-écologie au Lycée agricole de Somme-Vesle.
D'autres ressources partagées sur Enseignons.be (ajoutez aussi les vôtres ;-) ) :
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[1]Olivier Houdé est enseignant-chercheur et psychologue français. Il a introduit la neuropédagogie en France et consacre ses recherches au développement de l’enfant et aux neurosciences cognitives.
[2]Olivier HOUDÉ, "L’école du cerveau. De Montessori, Freinet et Piaget aux sciences cognitives", Édition Mardaga, 2019, pp.105-120.
[3]Rolland VIAU, « La motivation : condition au plaisir d’apprendre et enseigner en contexte scolaire », 3e congrès des chercheurs en éducation, mars 2004. Sur : https://projetadef.files.wordpress.com/2011/12/la_motivation.pdf [consulté le 3 juin 2022].
[4]Olivier HOUDÉ, op.cit., p. 107.
[5]Catherine GUEGUEN, "Heureux d’apprendre à l’école", Robert Lafont, Paris, 2018, pp. 202-205.
[6]Nicole MAZÔ-DARNÉ, « Mémoriser grâce à nos sens ». Sur : https://doi.org/10.4000/apliut.2456 [consulté le 4 juin 2022]