Par Bruno HUMBEECK*
Les enquêtes PISA indiquent sans interruption depuis des années que les ‘bons’ élèves belges sont à classer parmi les meilleurs des pays développés. Mais les mêmes enquêtes soulignent avec la même régularité une situation qui devrait nous inquiéter (et pas un peu!): le grand écart entre les ‘bons’ élèves et celles et ceux que le système scolaire élimine. Toujours les mêmes : les enfants des milieux populaires. Ce que nous devrions dénoncer et surtout corriger, ce sont ces profondes inégalités.
Et puis, dés lors qu'il est question de vérifier l'évolution du niveau d'instruction, plus personne ne peut plus de nos jours, comme on a souvent tendance à le faire dans les constats réalisés "à la grosse louche", se limiter à la seule orthographe. Il ferait inévitablement sans doute un constat irréfutable : les dictées de 1950 provoqueraient aujourd’hui un échec massif. Même des ‘bons élèves’ ! Faut-il pour autant s’en affoler ? On peut tout d'abord avant de s'indigner un peu rapidement en comparant brutalement les résultats de nos enfants avec celui d'autres pays, rappeler que l’orthographe du français est particulièrement corsée. Les Italiens et les Espagnols ont eu la sagesse de simplifier les mots les plus compliqués hérités du latin et du grec. Heureux sont leurs enfants. De notre côté, nous pourrions peut-être nous contenter d’assurer la maîtrise des « essentiels » et de renvoyer pour le reste les élèves aux nombreux outils qui permettent de se corriger.
En outre, au delà de l'orthographe, il y a en effet dorénavant toutes les compétences d’un adulte du 21è siècle, toutes ces compétences« nouvelles » qui sont incontestablement plus importantes dans nos sociétés que dans celles d’hier ou d’avant-hier. Prenons à cet endroit bien garde à ne pas charger la barque et attachons nous à faire, ce qui n'est jamais facile, un tri dans des habitudes solidement ancrées.
Le premier pas consiste sans doute, à cet endroit, de se tourner vers l’avenir en quittant la nostalgie du « c’était mieux avant »
Le niveau ne baisse donc pas. Il change ! La métaphore du « niveau » prête par ailleurs à bien des confusions. La nuance est évidemment de mise quand il est question d'examiner « le parcours d’acquisition de compétences » dans lequel sont engagés nos enfants quand ils deviennent des élèves et ensuite des étudiants. L'enjeu consiste davantage à examiner les compétences qu’on est en droit d’attendre d’un jeune adulte du 21è siècles ! Le constat est alors facile à établir : il faut inévitablement songer à allonger la liste de ces compétences et, dés lors, sans doute, sûrement alléger certains programmes. D’où l’invitation à « changer » de logiciel. Et à débattre avec le plus large public possible de la nécessité de ce changement.
On est ainsi en droit d’attendre que l’école ait développé, au fil du parcours, le sens critique, le respect des différences, l’empathie, le goût du travail collectif, le goût du beau, le souci de la Terre-mère et de tous les vivants, la coopération plutôt que la compétition, une ouverture modérée aux NTIC, la recherche des nuances et le goût de la complexité…
C'est en s'attaquant à ces compétences que l'école parviendra le mieux à former des adultes capables de vivre ensemble dans le monde de demain et non pas des adultes capables de trouver individuellement leur place dans le monde d'hier ou même, si l'on écoute ceux qui plaident pour un retour aux bonnes vieilles méthodes et aux matières qu'elles permettaient d'enseigner, d'avant-hier...
* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons.