Article publié sur la plateforme québécoise RIRE en août 2021.
Dans les écoles québécoises, la co-intervention externe est la forme de collaboration la plus utilisée (Gaudreau, 2010). Cette méthode, bien que nécessaire pour les élèves ayant des besoins précis, n’accorde bien souvent que trop peu de temps par élève à l’extérieur de la classe (St-Laurent, Dionne, Giasson, Royer, Simard et Piérard, 1998; Tremblay, 2015). Ces élèves manquent des contenus et peuvent se sentir stigmatisés de devoir sortir de la classe, ce qui est contraire au principe de l’éducation inclusive (Tremblay, 2015).
En revanche, selon de nombreux chercheurs, le coenseignement est une pratique qui permettrait de répondre aux besoins spécifiques de ces mêmes élèves (handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage [HDAA]), grâce à la réduction du ratio enseignant/élèves, et ce, sans être contraignant par rapport aux contenus ni stigmatisant pour les élèves (Murawski et Hughes, 2009).
Le Co-enseignement ? Doudou le croque avec humour!
En 2018, la chercheuse Louise Leclerc de L’Université Laval a réalisé une étude de cas dans ce sens en s’intéressant à la différenciation pédagogique dans le cadre de cette pratique. La chercheuse a effectué ses observations pendant plusieurs situations d’enseignement-apprentissage filmées dans une classe de maternelle 5 ans du Québec. Elle a également mené des entretiens d’auto-confrontation avec les deux enseignantes pratiquant le coenseignement à temps plein depuis un an au sein de la classe.
La co-intervention externe, qu’est-ce que c’est?
« Elle consiste en une collaboration où les membres du personnel enseignant et les spécialistes travaillent en même temps pour les élèves d’un même groupe, mais sans partager ni le même espace, ni les mêmes méthodes, ni les mêmes objectifs. » (Leclerc, 2020 dans Tremblay, 2015 p.64)
En quoi le coenseignement est-il différent?
Il « se définit comme un travail de collaboration pédagogique, qui se réalise dans un même groupe, en même temps et dans un même espace, entre une enseignante ou un enseignant et un autre intervenant ou une autre intervenante » (Leclerc, 2020 dans Friend et Cook, 2013 p.61). Ainsi, ils se partagent « les responsabilités éducatives, la planification, l’enseignement et l’évaluation, pour atteindre les objectifs spécifiques […] fixés préalablement [ensemble] » (Friend et Cook, 2013 p.64; Murawski, 2010; St-Laurent, 2008).
La chercheuse a réalisé les observations suivantes:
Ainsi, selon cette étude, le coenseignement permettrait aux enseignant.e.s de mieux s’adapter aux besoins et aux difficultés des élèves par une meilleure différenciation pédagogique avant (a priori), pendant et après (a posteriori) les activités d’apprentissage.
Et que vient faire la différenciation pédagogique dans tout cela?
Elle implique que « les enseignantes et les enseignants doivent analyser et ajuster leur pratique, ainsi que l’environnement d’apprentissage, de façon à tenir compte des préalables et des caractéristiques des élèves en lien avec l’apprentissage visé » (Leclerc, 2020 dans Guay, Legault et Germain, 2006 p.63).
Il est cependant difficile de généraliser les résultats de cette étude selon Leclerc (2020). Elle souligne néanmoins son importance puisque peu d’études ont abordé le coenseignement au préscolaire et que les contenus diffèrent beaucoup de ceux du primaire et du secondaire. De plus, l’intervention précoce est reconnue comme importante pour prévenir les échecs au primaire.
Effectivement, très peu de recherches abordent le coenseignement au préscolaire, contrairement au primaire et au secondaire. De plus, celles-ci présentent davantage les bénéfices que les pratiques des enseignants (Leclerc, 2020).
Enfin, l’étude de Leclerc (2020) permet d’avoir un aperçu de nouvelles modalités de coenseignement et des possibilités de diversification et de complexification de la différenciation pédagogique au préscolaire. Les multiples concertations permettant de planifier et de s’adapter tout au long de la journée semblent également être une solution pratique, pour les enseignant.e.s expérimenté.e.s, au manque de temps de planification formelle en dehors de la classe.
En bref, cette étude présente la perspective d’une collaboration inclusive permettant un maximum de soutien des besoins spécifiques des élèves HDAA.
Références :
Friend, M. et Cook, L. (2013). Interactions: Collaboration skills for school professionals (7e éd.). Londres : Pearson Education.
Gaudreau, L. (2010). Comment les commissions scolaires québécoises procèdent-elles pour que leurs écoles offrent des services aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage? Dans N. S. Trépanier et M. Paré (dir.). Des modèles de service pour favoriser l’intégration scolaire (p. 5-30). Québec : Presses de l’Université du Québec.
Guay, M.-H., Legault, G. et Germain, C. (2006). Pour tenir compte de chacun : la différenciation pédagogique. Vie pédagogique, 141, 1-4.
Murawski, W.W. (2010). Collaborative Teaching in Elementary Schools: Making the Co-Teaching Marriage Work. Thousand Oaks, CA : Corwin.
Murawski, W.W. et Hugues, C.E. (2009). Response to intervention, collaboration and co-teaching: A logical combination for successful systemic change. Preventing School Failure: Alternative Education for Children and Youth, 53(4), 267-277.
St-Laurent, L., Dionne, J., Giasson, J., Royer, É., Simard, C. et Piérard, B. (1998). Academic achievement effects of an inclass service model on students with and without disabilities. Exceptional Children, 64(2), 239-253.
Tremblay, P. (2015). Le coenseignement : condition suffisante de différenciation pédagogique? Formation et profession, 23(3), 33-44.
Ce texte est une vulgarisation de l’article suivant :
Leclerc, L. (2020). Le coenseignement et la différenciation pédagogique pour soutenir les besoins spécifiques des élèves à risque, en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage à l’éducation préscolaire. Éducation et francophonie, 48(2), 59-77.