Publié par Bruno Humbeeck* le 07/11/2022

" Voir des tablettes s’emmêler dans des papiers, des trousses côtoyer des écrans et des crayons se mélanger à des outils numériques, voilà le signe d’une hybridation réussie...

Hybrider, ce n’est pas couper en deux en optant résolument pour une partie au détriment de l’autre. Ce n’est pas non plus diviser strictement l’une et l’autre en deux parts égales. En hybridant un cheval et un âne, les biologistes savent qu’ils ne retrouveront ni tout à fait un cheval ni tout à fait un âne et encore moins un être bizarre qui serait constitué d’une moitié de cheval et d’une moitié d’âne mais qu’ils verront apparaître une espèce nouvelle répondant au doux nom de “mulet”.

C’est exactement cela, comme une forme d’enseignement nouvelle, qui nous est présentée dans ce merveilleux tableau d’une hybridation pédagogique réussie dans laquelle les tablettes n’ont pas pour vocation de chasser les livres, de déclarer la guerre aux cahiers d’écriture ou de déclarer obsolètes les gommes, les effaceurs, les feutres et les crayons mais pour laquelle il s’agit par dessus tout de les faire cohabiter les unes avec les autres en prenant le meilleur de ce que promettent les outils numériques tout en conservant le meilleur de ce que permettaient les autres. 

Voir des enfants se mélanger entre classes d’élèves, travailler en groupe en collaborant les uns avec les autres, apprendre ensemble en coopérant autour d’une même table, voilà également l’indice d’une mutualisation éducative réussie...

Dans une école écollaboractive, l’enseignant, c’est celui qui fait naître des étincelles pour que les élèves entrent en résonance les uns avec les autres. 

Ce sont précisément ces étincelles qui créent le “crépitement” de la vie d’une classe dès lors qu’il n’est pas seulement question d’apprendre mais bien d’apprendre ensemble avec plaisir en passant de la main qui écrit aux doigts qui animent les écrans, d’une main qui de pose sur le bras d’un voisin pour inviter l’autre à ne pas précipiter l’écriture à des mains qui tiennent fermement la tablette en prenant soin de faire en sorte que chacun puisse prendre connaissance des informations qui circulent sur l’écran en passant par des bras qui se croisent sous la table pour laisser temporairement le plein pouvoir aux yeux. 

C’est cela une écollaboractive, une école où l’on sait que les enfants apprennent avec la tête, avec les mains, avec les yeux et avec le coeur. La tête qui comprend ne peut en effet pas grand chose sans les mains qui s’activent, les yeux qui observent et le coeur qui donne à chacun l’enthousiasme qu’il faut pour faire de l’apprentissage actif réalisé en commun un moment de plaisir partagé. 

Des outils numériques qui se mêlent à des instruments d’écriture et des élèves qui se mélangent entre classes pour apprendre... Voilà donc les ingrédients de cette alchimie que parvient à réaliser une enseignante comme Mme Adeline quand elle ne se contente pas de mettre un peu de plomb dans la cervelle de ses petits élèves mais qu’en parfaite alchimiste, elle s’attache au préalable à transformer ce plomb en or parce qu’elle sait que chaque enfant qui apprend part en réalité à la découverte d’un trésor."

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* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons.