Publié par Bruno Humbeeck* le 27/10/2022
Un petit animal qui voyage de la famille à l’école et qui montre par là à l’enfant que l’attachement peut se réaliser dans ses deux bains de vie les plus significatifs, devient vite un personnage important qui transporte d’un lieu de vie à l’autre toute la cargaison d’amour dont un enfant a besoin pour grandir et apprendre et, sans doute même, pour apprendre à grandir...
Les animaux de compagnie ne sont pas seulement là pour tenir compagnie aux enfants, ils ont bien plus d’importance que cela : ils existent en réalité intensément dans la vie de l’enfant pour mettre toute leur énergie à lui indiquer ce que signifie l’attachement quand il s’exprime entre deux êtres par des caresses, des gestes protecteurs, des câlins échangés et une merveilleuse envie de se sentir relié l’un à l’autre...
Un animal de compagnie pour un enfant ce n’est pas juste un compagnon de route, c’est un condensé d’affection qui lui apprend ce que signifie aimer et être aimé. Alors évidemment faire cet apprentissage essentiel à la fois tous ensemble en s’attachant au même petit animal devenu le personnage central de la classe mais aussi singulièrement, individuellement et personnellement, en emmenant le petit animal aimé chez soi dans cet espace de vie qui n’appartient qu’à soi, la maison, c’est une façon d’apprendre qu’aimer c’est aussi prendre la responsabilité de se préoccuper de celui que l’on aime en prenant soin de lui, seul, dans un lieu où les autres ne sont pas présents...
Apprendre tout à la fois que ceux qu’on aime ne nous appartiennent pas et que l’amour donne toujours des responsabilités à ceux qui l’éprouve, ce n’est assurément pas rien.
En effet, ce que l’enfant apprend de terriblement important avec Pépère, c’est que ce Pépère que j’aime, ce n’est pas « mon » Pépère et, même si je l’emmène de temps en temps chez moi, ce Pépère ne m’appartient pas et je ne peux donc pas faire de lui ce que je veux.
Voilà la nuance que l’enfant devra percevoir si on souhaite lui apprendre qu’une fois accolé au mot amour, le pronom « mon » ne signifie en rien que l’on a sur l’autre un quelconque droit de propriété.
C’est pour cela qu’il vaut beaucoup mieux qu’un enfant apprenne d’emblée à désigner le petit animal qui lui tient compagnie par le nom qu’il porte, Médor, Mistigri ou Pépère et qu’il se donne, au delà de cela, les moyens de comprendre que pour ce qui relève de l’amour et de l’affection qu’il suppose, le « mon » ne se prononce jamais que dans la réciprocité d’un « nous » qui s’assume pleinement comme la conjonction de deux être qui suppose nécessairement un consentement mutuel...
Apprendre cela à l’école et en famille, ce n’est évidemment pas rien et apprendre en plus que l’école et la famille, même s’ils constituent deux bains de vie différents, sont reliés par des ponts, c’est également une leçon très importante... Ce sont les leçons que Madame Tiphaine donne à ses petits élèves....
En agissant comme cela, elle n’est pas seulement une super-institutrice de maternelle, elle se transforme littéralement en professeure de vie dont les enfants se souviendront tout au long de leur existence... "
* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons.