Publié par Bruno Humbeeck* le 03/11/2023

            " Il y a évidemment une urgence climatique. Il faudrait être fou pour le nier. 

            Mais il y a aussi une urgence hédoniste et eudémoniste parce que quand on voit les chiffres qui évoquent le sentiment de bonheur subjectif ressenti par les plus jeunes, on ne peut que se rendre à l’évidence qu’il y a une véritable urgence à se montrer heureux en tant qu’adulte si on veut vraiment leur redonner l’envie de le devenir à leur tour. 

            Ce n’est pas en donnant l’image d’une génération de plaintifs, d’éternels encolérés ou de désespérés permanents que l’on donne le mieux aux plus jeunes l’envie de grandir...   

            La salutaire indignation face aux injustices, le souci de faire face à tout ce qui ressemble à de la violence et de s’opposer à tout ce qui, en autorisant les rapports de force, fabrique de la souffrance ne sont pas incompatibles avec l’idée que l’on doit de toute urgence donner à nos enfants et à nos adolescents l’image d’un bonheur qui demeure toujours possiblement accessible... 

            L’urgence hédoniste c’est celle d’aller chercher la joie là où elle se cache, dans un paysage, le chant d’un oiseau, le charme d’un sourire ou les promesses d’un regard aimant... Peu importe du moment qu’il est question de cette joie que l’on ressent quand on éprouve dans la magie d’un instant le bonheur d’exister sans éprouver l’idée saugrenue de chercher à le retenir ou la tentation illusoire de posséder quoi que ce soit qui permettrait de le détenir... 

            L’urgence eudémoniste c’est celle d’aller à la rencontre de cette impression profonde que l’on éprouve quand on se sent content d’être authentiquement soi, complètement en phase avec ses valeurs et totalement en accord avec l’idée que l’on se fait de soi-même, de ce que l’on est profondément et de ce que l’on souhaite devenir durablement.

            Joie d’exister dans le monde et parmi les autres en dépit de ses imperfections et au delà de leurs faiblesses, contentement d’être authentiquement soi en dépit de nos imperfections et au delà de nos faiblesses, voilà deux clés de voûte sur lesquelles nous devons pouvoir nous appuyer pour répondre à cette urgence “eudém-héd-oniste” qui place le bonheur d’exister  au centre de ce que nous devons laisser en héritage à la génération qui vient...   

            Le bonheur n’est pas un état mais un chemin, un chemin qui se fait en avançant. L’urgence est actuellement de donner aux plus jeunes l’envie de prendre ce chemin sans avoir une idée précise de la destination finale et de s’y engager même si on devine que la voie donne l’impression de n’être plus aussi dégagée, qu’elle parait parfois plus embroussaillée et que les parties boueuses semblent plus nombreuses que sur celle que nous aurions voulu leur laisser..."

* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. Retrouvez ces publications sur son site : www.outilsderesilience.eu