Publié par Bruno Humbeeck* le 08/04/2023
" Le mouvement qui fait que nous sommes touchés par une oeuvre, qu’elle soit artistique ou, comme c’est le cas de Chat-Gpt, produite par une machine, est un mouvement qui nous appartient, et n’appartiendra jamais en aucune façon à la machine.
C’est par ailleurs le principe même de tout ce qui chez un être humain apparait émouvant. On peut, par exemple parler de paysage émouvant. Mais le paysage en lui même ne contient rien d’affectif. C’est ce qu’il remue en nous qui le rend émouvant. C’est le regard que nous portons sur lui qui le rend émouvant.
Malévitch ne suggère pas autre chose quand il peint “Carré blanc sur fond blanc”. Il fait le pari que le regard du spectateur fera d’une oeuvre techniquement trés simple à réaliser, une oeuvre d’art. Et si Malevitch était passé par une machine pour peindre son tableau, cela ne changerait rien. Il aurait de toute façon fallu qu’un humain la programme et il aurait surtout qu’un véritable humain prenne la peine de la regarder pour faire naître de l’art.
Deux machines, face à face, n’en seront jamais capables. La question de l’émotion est donc centrale. Or, les intelligences artificielles sont fabriquées par des algorithmes. Au contraire de l‘intelligence humaine, elles ne sont pas faites pour toucher leurs semblables. Elles ne visent pas à provoquer ou susciter des émotions .
Une intelligence artificielle peut trés bien, par exemple, écrire des poèmes en appliquant rigoureusement au langage les règles de la construction poétique : rimes, nombres de pieds, hémistiche... Mais faire preuve de poésie, essayer d’affecter l’autre, de créer chez lui des émotions et des sentiments, cela, aucune intelligence artificielle ne sera jamais en mesure de le faire...
C’est pour cela que cela n’a pas beaucoup de sens d’opposer l’homme à la machine en entamant avec elle une sorte de bras de fer cognitif mais qu’il vaut mieux mettre en perspective ce que l’intelligence humaine a de tout à fait spécifique par rapport à celle de la machine.
Ainsi, si un élève ou un étudiant fait rédiger un texte par une intelligence artificielle, ce n’est pas le texte qu’il faut noter mais le questionnement critique de l’élève face au texte produit ou l’impression qu’il éprouve à la lecture de celui-ci...
Voilà bien deux choses, en effet, que l’intelligence artificielle, quel que soit le niveau de performance auquel on la pousse, ne pourra jamais faire : se poser des questions et ressentir des émotions... Or cette aptitude à s’interroger et cet capacité de ressentir constituent les socles essentiels d’une intelligence qui se veut humaine et revendique pleinement son humanité... "
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* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. Retrouvez ces publications sur son site : www.outilsderesilience.eu