Publié par Bruno Humbeeck* le 18/05/2023
" Il faut vraiment éviter cet espèce de mouvement de balancier qui donne l’impression qu’il y a une pédagogie positive qui aurait été tellement loin qu’il faut maintenant aller trop loin dans l’autre sens .
Le but du jeu n’est pas de dénoncer la pédagogie positive et encore moins la bienveillance, l’éducation bienveillante. Il faut mettre de la bienveillance dans l’éducation, c’est une évidence, mais cela suppose aussi, par exemple, de tenir compte du fait que les limites sont importantes pour l’enfant. Et cela, même en pédagogie positive, ceux qui le font intelligemment – et il faut admettre que beaucoup de personnes font de la pédagogie positive intelligente - le disent.
C’est notamment vrai à propos des punitions, on doit toujours veiller à ne pas punir l’enfant mais un comportement précis. Eteindre un comportement précis en veillant toujours à ne pas humilier et en ne touchant évidemment pas d’une façon ou d’une autre à l’intégrité physique, cela ne pose pas de problème. Il faut juste toujours veiller à disposer de techniques qui permettent d’intégrer la punition et la sanction dans une forme de bienveillance.
Le “time out”, l’attitude éducative parentale qui consiste à obliger l’enfant à se retirer et à s’isoler temporairement - dans sa chambre ou ailleurs - pour l’inviter à retrouver son calme et à réfléchir à la portée de son acte ou à la signification de son comportement, n’a rien d’une hérésie pédagogique.
Cette pratique parentale n’est pas une hérésie en pédagogie familiale et il ne peut pas être question de l’envisager comme une violence éducative mais comme une pause salutaire dans la relation.
Tout cela ne justifie pas le débat clivant qu’il suscite en France – ou le clivage entre les “pour” et les “contre” est trop souvent devenu une marque de fabrique - qui oblige les uns et les autres à choisir leur camp de façon radicale, exclusive et simpliste alors que, dans le domaine de la pédagogie, on mesure sans fin à quel point il est toujours important de chercher à demeurer dans un entre-deux nuancé.
C’est tout le sens de ce débat que j’ai le plaisir d’avoir eu sur France Inter avec Caroline Goldman, l’auteure de “File dans ta chambre”, dont les positions, bien plus nuancées et intelligentes que celles que lui prêtent ses détracteurs qui se sont fendu d’une tribune plutôt agressive dans Le Monde pour la fustiger, méritent incontestablement d’être écoutées jusqu’au bout tout comme celles de Thomas Villemonteix, un de ses “opposants” signataires de la tribune qui, au cours du débat, n’a d’ailleurs que confirmé qu’il était en réalité... d’accord avec elle...
Voilà pourquoi j'ai particulièrement aimé ce débat... parce qu'il montre que le clivage n'est souvent qu'une question de mots et que l'intelligence se trouve souvent davantage dans ce qui rapproche les points de vue quand ils s'accordent sur une signification commune donnée aux mots que dans l'opposition tranchée de ceux qui, parce qu'ils ne s'écoutent pas, ne parviennent naturellement pas à s'entendre... "
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* HUMBEECK Bruno est psychopédagogue et auteur de nombreuses publications dans le domaine de la prévention des violences scolaires et familiales, de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale et/ou familiale. Il travaille à l'université de Mons. Retrouvez ces publications sur son site : www.outilsderesilience.eu