Par Céline TERET pour le magazine SYMBIOSES, 120, 2018.

A l'école Saint-Vaast, une classe de maternelle pratique chaque semaine l'école du dehors. Et pour aider les enfants à verbaliser leurs émotions, Marie-Laurence Jadot, leur institutrice, s'inspire de la Métanature, une méthode de médiation par la nature. Démonstration.

 

Avec hargne, Yanis creuse un trou dans la terre. Quelques copains de classe veulent se joindre à lui. Il s'énerve. « Laissez-moi tranquille, je veux le faire tout seul ! » Sa colère éclate, disproportionnée.

Lors du tour de météo intérieure, chaque enfant exprime son humeur du jour en partant d'un élément météorologique. Maya lâche : « Nuage... ». Ça fait plusieurs jours que la météo de Maya est nébuleuse...

Pendant les jeux libres, Thomas est agressif envers Milo. II veut être le seul à grimper à l'arbre. Il le rejette à plusieurs reprises et se fâche.

Ces moments où les émotions s'immiscent, bouillonnent, explosent, Marie-Laurence Jadot, institutrice, les vit avec ses élèves. Comme dans toute école... Si ce n'est qu'ici, l'école se fait dehors. Depuis cinq ans, Marie-Laurence et sa collègue Anne pratiquent l'école du dehors avec leur classe de maternelle de l'école Saint-Vaastl. Trois matinées par semaine et tout au long de l'année, les élèves apprennent de et dans la nature, au milieu des bois.

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        "L'école du dehors" : activités

Depuis peu, Marie-Laurence Jadot a recours à un nouvel outil auquel elle s'est formée à Paris : la Métanature. Cette méthode de médiation par la nature s'appuie sur trois ingrédients de base :

  • la nature,
  • la métaphore,
  • les cinq sens.

Pour l'institutrice, ce fut une évidence : elle avait ces trois ingrédients sous la main et pouvait donc adapter la méthode à ses pratiques d'enseignante du dehors. C'est chose faite. Désormais, lorsqu'une situation de conflit intérieur se présente, elle s'appuie sur la Métanature pour libérer ses élèves de leur souci émotionnel et, ainsi, leur permettre de se remettre en posture d'apprentissage. Tout cela se passe dans un cadre sécurisant : la nature, qui les apaise et qu'ils connaissent puisqu'ils la côtoient trois fois par semaine.

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Marie-Laurence Jadot raconte sa méthode

« Sur le sentier menant au bois, lors du tour de météo intérieur, pendant les jeux libres ou les moments d'apprentissages, on sent vite qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Ce peut être des conflits avec les autres, des revendications et autres petits détails récurrents.

Je propose alors à l'enfant de venir avec moi pour une promenade, pendant que ses camarades sont occupés à une tâche, ce que permet plus facilement l'école en nature. L'élève donne la direction et le rythme de la promenade et je l'invite en toute liberté à exprimer ce qui le tracasse, ce qui motive son comportement, son langage, ses réactions... Il m'exprime alors qu'il se sent en colère ou triste, par exemple.

Ensuite, je lui dis : "Choisis un endroit, un coin ou un élément naturel qui ressemble à ce que tu ressens. Autour de toi, quelle est la partie de nature qui ressemble à ta colère ?"

Yanis, par exemple, m'a montré un arbre arraché, les éclats de bois pointant vers le ciel. Quant à Thomas, il a pointé un amas de ronces.

Après quoi, je demande : "Choisis un endroit de la nature ou un élément naturel qui te fait du bien. Là où tu te sentiras vraiment bien, détendu, heureux."

Thomas a opté pour le pied d'un arbre, dans un rayon de soleil. Maya a cueilli une feuille très douce au toucher.


J'invite ensuite l'enfant à expliquer son choix : "Cet espace, cet élément récolté, c'est comme quoi? Ça te fait penser à quoi ? Ça ressemble à quoi ? Qu'est-ce qui t'attire ?"

Thomas m'a répondu : "Ça fait du bien, c'est chaud... Quand il fait chaud, qu'il y a du soleil, mon papa me dit toujours qu'il va m'emmener au parc jouer au ballon. Mais il ne le fait jamais ! Moi ça m'énerve." 

C'est alors que nous nous dirigeons vers « le jardin des possibles ». J'exprime ceci à l'enfant : "J'ai bien entendu que tu étais triste (ou en colère). Qu'est-ce qui, ici, dans la nature, pourrait te rendre moins triste, là tout de suite ?"

Yanis a construit un pont au-dessus de son trou pour que ses amis puissent passer sans pour autant y toucher. Thomas a trouvé un autre arbre qui lui plaisait et a grimpé dessus à sa guise.

Cette méthode permet de gérer l'émotion du moment, en aidant les enfants à verbaliser ce qu'ils ressentent, à trouver un petit chemin pour qu'ils se sentent mieux. Mais elle ne vise pas à résoudre le problème en soi. La plupart du temps, après cet échange avec l'enfant, j'essaie d'engager une discussion avec les parents, pour les informer de ce que j'ai entendu, sans juger. Je suis enseignante, pas psychologue. Et dans certains cas, il me faut donc passer le relais à des personnes compétentes dans ce domaine. »

Céline TERET

Contact : Ecole du dehors de l'école libre Saint-Vaast 

  


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